vendredi 2 octobre 2015

Ma rencontre avec des réfugiés syriens

Il y a une semaine, nous nous étions rendu au grand mouvement de protestations de l'Université Nationale d'Asunción. Sur le campus, nous avions rencontré un ami, Samir, venu avec deux réfugiés syriens arrivés à Asunción il y a quelques semaines.
C'est ainsi qu'hier soir, Samir m'a dit qu'il était invité à manger dans la maison où ils vivent et m'a proposé de l'accompagner.

Tout d'abord, un petit bout de leur histoire

Ces réfugiés viennent de Qamishli, à la frontière avec la Turquie et non loin de l'Iraq, village de 400 000 habitants (dans lequel il ne reste plus que 150 000 personnes) situé au Nord du pays, et actuellement attaqué par l'Etat Islamique. Les habitants de ce village sont des kurdes, des syriaques et des arméniens. Ainsi, différentes communautés et religions cohabitent dans cette maison à Asunción. Il y a 2 kurdes musulmans, 1 arménien catholique et 4 syriaques chrétiens orthodoxes.
Samir m'a expliqué qu'au sein de la maison, ils n'avaient pas tous la même vision du conflit qui touche leur pays ni le même sentiment par rapport au président Bashar al-Assad (par exemple, les Kurdes sont plus séparatistes).

Je vous traduit l'article paru dans ultima hora le 30 août 2015 et vous donne le lien pour ceux qui comprendrait l'espagnol (avec une photo de la famille et... de Samir) : http://www.ultimahora.com/refugiados-sirios-paraguay-odisea-90-dias-huyendo-del-infierno-n926143.html

Ils sont sortis de leur village en courant, littéralement. Traversant la frontière turque pour fuir les bombardements et l'horreur.
Ils sont arrivés en camion à Istanbul, et là-bas, ils ont attendu 2 mois et payé quelques milliers de dollars à un trafiquant de personnes pour embarquer dans un avion en direction de l'Espagne. Cependant, le destin les a fait atterrir à Asunción, au cœur d'un continent dont ils connaissaient à peine le nom.
Nafia Elías (75 ans), Bedros Ibrahim (91 ans), Nahed Ibrahim (22 ans), Devet Ibrahim (13 ans), Suleiman Hasan (22 ans) et Shant Bahi (29 ans), sont des syriens qui se trouvent sous la protection de l'Etat paraguayen en qualité de réfugiés.
Le chemin fut long de Qamishli à Istanbul, puis à San Pablo, Santa Cruz, Río de Janeiro, Sao Paulo, jusqu'à arriver à Asunción. Un itinéraire de 10 vols !
"Dans notre village, il y a tout le temps de attentats. Un peu avant de partir, il y en a eu un dans le centre ville, nous avons entendu une explosion très forte, c'était une personne en moto chargée d'explosifs. Des enfants et des femmes enceintes ont été tués dans cet attentat." relate Nahed, à travers Samir Paravicini, de la communauté sirio-libanaise au Paraguay et qui fait le traducteur.
Comment est la vie quotidienne en Syrie ? Nahed dit qu'il faut que les gens continuent à vivre, "ils ne peuvent pas arrêter, parce qu'ils doivent manger, travailler. Ceux qui meurent, meurent et les autres continuent".
En Syrie, ils n'ont pas d'électricité, les prix des aliments ont augmenté et les hôpitaux ont à peine des médicaments, il manque du gas-oil, et c'est sûr qu'en hiver plus de gens vont mourir.
L'Etat Islamique bloque les routes et laisse la population sans recours/vivres, mais en même temps, la structure du gouvernement ne fonctionne pas pour la guerre civile, de ce fait les gens doivent survivre.
Avant le désastre. Ils se rappellent encore le temps où la Syrie était un lieu magnifique et sûr. "La beauté de la Syrie était dans sa diversité, où les arabes vivaient avec les arméniens et les chrétiens, et les araméens chrétiens et les kurdes. Il y avait tous les types de religion qui cohabitaient sans problème." reconnaît Shant.
Suleiman incline la tête et après une courte pause, relate que l'Etat Islamique tue les hommes, séquestre les enfants et les oblige à utiliser des armes pour tuer les gens. Il séquestre aussi des femmes, les viole et après, les vendent pour 100 dollars comme esclaves.
"C'est sûr que s'il y avait du pétole, s'il y avait de l'argent, on aiderait la Syrie, mais comme il n'y a rien, il n'y a pas d'aide directe" regrette un des réfugiés.
L'avocat Federico Salgueiro, qui assiste les syriens, souligne le soutien de la communauté sirio-libanaise du Paraguay en affirmant : "Le soutien est gigantesque. Ils louent une maison pour eux, ils les assistent dans tout ce qu'ils ont besoin. La seule chose qui leur manque maintenant est de retrouver leurs familles".
Ils laissent derrière eux la destruction et l'épouvante d'une guerre que le monde voit à travers la télévision. "Quand nous sommes arrivés, nous étions très tristes, notre âme était fatiguée, et maintenant avec un si bon traitement, nous nous sentons très bien" disent-ils. Et Bedros, avec ses 91 ans et son regard ému, dit merci dans sa langue, et cela paraît un bon moment pour se rappeler que "la solidarité est la tendresse des peuples".


Ces réfugiés, qui sont avant tout des êtres humains, veulent aller en Europe. Ils pensent que le Paraguay ressemble à la campagne qu'ils ont fui. Ce que j'ai essayé de leur expliquer c'est qu'ici, ils seront beaucoup mieux accueillis et acceptés que sur ce continent qui les fait tant rêver : l'Europe. Samir m'a expliqué qu'au Paraguay, tout reste encore à faire, tu peux bien vivre en ouvrant un commerce ou en montant ton entreprise. Et surtout, les paraguayens se comportent comme ils l'ont fait avec moi, ils font en sorte que leur pays devienne le leur et qu'ils s'y sentent le mieux possible !


Maintenant, parlons de choses plus joyeuses : ma soirée de partages

Au menu, il y avait du poulet grillé, du Kafta (viande épicée, TRÈS épicée pour moi), une sorte de sauce blanche à l'ail (Tum) et une salade.
Alors évidemment, certaines nourritures ont mis le feu à mon palais et à mes papilles mais c'était vraiment très bon. Ce n'est pas bien vu de refuser ou de laisser de la nourriture, j'ai donc été contrainte de manger des aubergines et des courgettes. Mais bon après avoir entendu leur histoire, je ne vais pas me plaindre, n'est-ce pas !


Nous avons été servis comme des rois, Samir était assis en bout de table car c'est la place la plus importante. Je n'ai pas eu le droit de débarrasser le moindre couvert (je commence à avoir l'habitude ici) et on me remplissait mon verre dès que je le terminais.
Ensuite, nous avons mangé des glaces et discuté autour d'un narguilé !
Evidemment, nos hôtes commencent seulement à apprendre l'espagnol et moi je n'ai jamais parlé un seul mot d'arabe. La différence de langue peut vite amener à un sentiment de frustration à chaque tentative pour communiquer, chacun se regardant avec de l’incompréhension et de l'impuissance dans les yeux. Rien que pour demander au petit garçon s'il aimait le Paraguay ou les glaces, j'avais besoin d'un traducteur. Heureusement, j'en avais plusieurs à ma disposition ! Dont Samir, qui jonglait entre l'espagnol, l'arabe et le français. À la fin de la soirée, il n'arrivait plus à parler aucune langue sans difficulté, le pauvre ! Rien que de parler espagnol tout en pensant en français me coûte quand je suis fatiguée, alors je n'imagine même pas ce que ce doit être de traduire en arabe ce que je lui disait en français, tout en pensant en espagnol !

C'était vraiment fou de rencontrer des jeunes et des beaucoup moins jeunes qui ont fait un si long voyage pour fuir les bombes. Et surtout, que cela se passe en 2015 !
Il y a une fille de mon âge avec son frère de 13 ans, seuls à Asunción, séparés de leurs parents par un océan. C'est vaste un océan, surtout pour un petit garçon de 13 ans (et même pour une jeune fille de 22 ans).

J'ai appris hier soir que moins on a, plus on donne.

Une dernière chose qui m'a vraiment révolté c'est l'ingérence dont fait preuve les États-Unis ! Pensant, pour je ne sais quelle raison, que le continent américain tout entier lui doit des comptes et des informations, celui-ci vient vérifier dans les registres paraguayens quels sont les réfugiés qui entrent sur le territoire et se permet ainsi de les juger comme "dangereux" ou non !

Après cette expérience, je ne comprends pas comment certaines personnes peuvent encore faire l'amalgame entre immigrants et réfugiés, et comment des pays peuvent fermer complètement leurs frontières à des êtres humains (oui, oui, comme vous et moi) en danger de mort.
Ce n'est pas mon intention d'ouvrir un quelconque débat sur le sujet. J'ai seulement envie de vous faire partager mon expérience et un bout de leur histoire.




Merci beaucoup à Samir pour les nombreuses (et précieuses) informations.

1 commentaire:

  1. Merci pour cet article, super bien écrit!

    Oui on peut dire aussi merci à l'ingerence de Sarko qui a viré Kadhafi, un grand malade mais qui assurait plus ou moins l'unité se son pays. Si il était encore en place on n'en serait sans doute pas là avec Daech...

    Gros bisous, profites bien!
    Vidocq

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